Suspendez la Russie ! Le Conseil de l’Europe et la nouvelle guerre froide
- « Le droit de prendre des mesures de représailles »
- La mort de la Société des Nations - 1936
- La Russie et le Conseil de l’Europe
- Le chantage marche bien
- Escalade - Memorial, Navalny et les élections russes
- Appel : Votez maintenant pour la suspension de la Russie
Chers amis,
Le lundi 21 février 2022, le président russe Vladimir Poutine a déclaré la guerre aux principes inscrits dans les traités fondamentaux sur lesquels repose la stabilité européenne : le statut du Conseil de l’Europe et la Convention européenne des droits de l’homme. Cela fait bien longtemps que la Russie a ratifié ces derniers. Mais, aujourd’hui, pour que ces textes demeurent crédibles, les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent réagir immédiatement et suspendre la Russie pour avoir violé ses engagements les plus solennels.
Le Conseil de l’Europe est créé en 1949 comme un club de démocraties. L’idée sous-jacente est d’aider les démocraties - jeunes et vieilles - à rester telles qu’elles sont, grâce à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après, la CEDH), à la Cour, aux évaluations réalisées par les pairs, et, aux débats. Selon le fameux résistant français, Pierre-Henri Teitgen, qui fût plus tard ministre de la justice et l’un des pères spirituels de la CEDH :
« Les démocraties ne deviennent pas des pays nazis en un jour. Le mal progresse sournoisement : une minorité agissante, comme on le dit, s’empare des leviers de commande. Une à une, les libertés sont supprimées, secteur par secteur…Il faut intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Il faut qu’il existe une conscience quelque part, qui sonne l’alerte pour les opinions nationales menacées de cette gangrène progressive, qui leur montre le péril… »
Pour que cela fonctionne, chaque Etat membre doit collaborer sincèrement et activement. Dans le cas de la Russie d’aujourd’hui, c’est le contraire qui se produit. Le Conseil de l’Europe doit, donc, se prémunir contre cette influence subversive et sonner l’alerte. Il a les outils pour le faire. Maintenant, il faut également qu’il ait la volonté d’utiliser ceux-ci.
Une guerre qui dure depuis huit ans à l’est de l’Ukraine
« Le droit de prendre des mesures de représailles »
Au cœur du message de Poutine du 21 février se trouve une menace. Selon le président russe, son pays est contraint de « riposter » militairement contre de nombreux ennemis, à commencer par ceux en Ukraine :
« Ceux qui se sont engagés sur la voie de la violence, du bain de sang, de l’anarchie n’ont prévu et ne prévoient aucune solution à la question du Donbass autre que la solution militaire. »
Cette crise, précise Poutine dans son discours, ne concerne pas seulement la région du Donbass, située dans l’est de l’Ukraine. L’identité ukrainienne est elle-même une fraude, le résultat d’une machination communiste : « L’Ukraine moderne est entièrement créée par la Russie, plus précisément par la Russie bolchévique et communiste. » Poutine souligne que cette identité créée par les communistes ne doit pas survivre : « Nous sommes prêts à vous montrer ce que signifie une véritable décommunisation pour l’Ukraine. » Poutine ajoute qu’il n’y a pas de tradition étatique ukrainienne, que ses dirigeants actuels ont « saisi le pouvoir » à Kiev, qu’ils sont manipulés par les Etats-Unis pour menacer la Russie, et que tout cela fait partie d’une lutte existentielle imposée à la Russie par une large alliance d’ennemis :
« Il n’y a qu’un seul objectif - freiner le développement de la Russie. Ils le feront, comme ils l’ont fait auparavant. Et cela, même sans le moindre prétexte officiel ! Juste parce que nous existons ! »
En réponse à cela, la Russie a pleinement « le droit de prendre des mesures de représailles » pour garantir sa propre sécurité. Le président russe ajoute : « C’est exactement ce que nous ferons ! » Une nouvelle effusion de sang est donc inévitable : « Toute la responsabilité d’une éventuelle effusion de sang reposera entièrement sur la conscience du régime au pouvoir sur le territoire de l’Ukraine. »
Il s’agit d’un tournant dans l’histoire européenne du XXIe siècle : le dirigeant suprême d’une grande puissance nucléaire déclare ouvertement que son pays est entouré d’ennemis et que le déploiement de l’armée russe pour détruire des Etats artificiels et de fausses identités nationales est une riposte inévitable. Ce que l’écrivain Ed Lucas a décrit dans un livre publié en 2008 comme « La nouvelle guerre froide » se transforme en une guerre chaude contre l’une des démocraties les plus peuplées d’Europe.
Ed Lucas en 2008
Dans le même temps, Poutine indique clairement qu’il s’agit également d’une lutte pour les valeurs. Son raisonnement est familier : les griefs historiques justifient l’agression militaire. La force fait le droit et les pays puissants ont le droit d’occuper ceux qui sont plus faibles.
La mort de la Société des Nations - 1936
En octobre 1935, Benito Mussolini déclare à ses compatriotes que l’Italie a le droit d’envahir et d’occuper l’un des derniers Etats africains qui n’est pas encore colonisé par les puissances européennes : l’Ethiopie (connue alors sous le nom d’Abyssinie).
C’est une question de justice, explique le Duce, puisque l’Italie s’est vu promettre une « place au soleil » pour avoir combattu aux côtés de ses alliés pendant la Première Guerre mondiale. Pourtant, le sacrifice italien est suivi, selon lui, d’une trahison :
« Quand…l’Italie décida d’unir son sort à celui des alliés, que de cris d’admiration et que de promesses ! Mais après la victoire commune, quand l’on s’assit autour de la table d’une paix odieuse, il ne resta, pour nous, que les miettes du festin colonial des autres. »
Mussolini dit, alors, que le moment de donner une réponse militaire à ceux « qui veulent nous étouffer » est venu. Il rejette l’idée que son invasion illégale puisse entraîner des sanctions :
« Je refuse de croire…que le vrai peuple de France puisse s’associer aux sanctions contre l’Italie…Je me refuse à croire que le peuple de Grande Bretagne, le vrai, veuille verser son sang et pousser l’Europe dans la voie de la catastrophe, pour défendre un pays africain, universellement reconnu comme barbare et indigne de figurer parmi les peuples civilisés…A des sanctions économiques, nous répondrons avec notre discipline, avec notre sobriété, avec notre esprit de sacrifice. A des mesures d’ordre militaire, nous répondrons avec des mesures d’ordre militaire. A des actes de guerre, nous répondrons avec des actes de guerre. »
En octobre 1935, l’armée italienne envahit l’Abyssinie. Le même mois, les Abyssiniens appellent la Société des Nations à l’aide. Cette dernière condamne l’attaque. Tous ses membres reçoivent l’ordre d’imposer des sanctions économiques à l’Italie de Mussolini. Toutefois, leur détermination finit par fléchir. Les sanctions sont timides. Elles n’incluent pas les matières premières vitales comme le pétrole. La Grande-Bretagne maintient ouvert le canal de Suez, crucial pour l’approvisionnement des forces armées italiennes. En décembre 1935, le ministre britannique des affaires étrangères et le premier ministre français se rencontrent et présentent un plan qui octroie de larges zones d’Abyssinie à l’Italie. Mussolini accepte le plan.
La capitale, Addis Abeba, tombe en mai 1936 et Hailé Sélassié est remplacé par le roi d’Italie. Le Somaliland, l’Erythrée et l’Abyssinie deviennent l’Afrique orientale italienne. L’engagement international dans cette affaire se solde par un échec cuisant. Partout, les autocraties sont encouragées. La Société des Nations devient un cadavre avant même de périr, sa légitimité et sa crédibilité sont détruites.
La Russie et le Conseil de l’Europe
La guerre qui s’étend à travers l’Ukraine sera-t-elle pour le Conseil de l’Europe ce que la crise d’Abyssinie de 1936 fut pour la Société des Nations ? Lorsque la Russie a rejoint le Conseil de l’Europe en 1996, il y a plus d’un quart de siècle, elle s’est engagée à respecter les valeurs inscrites dans le statut de cette organisation et dans la Convention européenne des droits de l’homme.
Le statut du Conseil de l’Europe est clair :
« Le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social. »
Ces idéaux et ces principes sont :
« la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale… ;
les valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l’origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable. »
L’adhésion n’est, donc, ouverte qu’aux démocraties attachées à la consolidation de la paix, à la liberté politique et à l’Etat de droit. Ainsi, l’Espagne et le Portugal en étaient exclus lorsqu’ils étaient encore des autocraties. Aucune démocratie populaire communiste n’a pu rejoindre le Conseil de l’Europe. Et un Etat membre, la Grèce, était contrainte de quitter l’organisation à la suite de la prise du pouvoir par une junte militaire en 1967.
La prise de pouvoir en Grèce par – la junta en 1967
Lorsque le processus de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe est lancé dans les années 1970 - débouchant sur l’OSCE, après la fin de la guerre froide - il est question de créer une plateforme de dialogue entre les démocraties et les autocraties ... bien qu’il y ait un engagement non-contraignant à respecter les valeurs qui sont exprimées, d’abord, dans l’Acte final d’Helsinki, et plus tard, dans la Charte de Paris de 1990.
OSCE vs Conseil de l’Europe : forum de dialogue vs club des démocraties
Le Conseil de l’Europe n’est cependant jamais conçu comme un simple forum de dialogue. Il est chargé de porter le flambeau de la dignité humaine, unissant les démocraties qui ont tiré les leçons d’un XXe siècle bien tragique : tous les Etats y adhérant librement doivent, ainsi, tenir pour responsable les uns les autres dans le domaine du respect des droits de l’homme et des normes démocratiques.
Après son adhésion au Conseil de l’Europe, la Russie se voit accorder le bénéfice du doute pendant un quart de siècle. On espère qu’elle adopte, avec le temps, les valeurs de cette organisation. Mais, cela ne se produit pas, et, c’est la Russie, le plus grand Etat membre, qui transforme le Conseil de l’Europe et non pas l’inverse. Moscou sabote l’idée même d’une soumission des Etats membres à la Cour européenne des droits de l’homme. Il menace les autres membres et exerce un chantage sur le Conseil lui-même. Et tout comme l’Italie de Mussolini au sein de la Société des Nations, la Russie de Poutine parvient à suivre son chemin.
Le chantage marche bien
En février 2014, le gouvernement ukrainien dirigé par Viktor Ianoukovitch est renversé après des mois de protestations pacifiques qui culminent lorsque des tireurs d’élite tuent des manifestants dans le centre de la capitale ukrainienne. Dans les semaines qui suivent, la Russie annexe la Crimée et elle provoque un conflit dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, qui fait quelque 15,000 morts.
En avril 2014, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe suspend le droit de vote des membres de la délégation parlementaire russe pour une période limitée. Il s’agit là d’une réponse très légère face à une violation aussi effrontée de l’intégrité territoriale d’un autre Etat membre. L’Assemblée parlementaire pouvait aller plus loin et révoquer les pouvoirs de la délégation russe, l’expulsant ainsi de l’Assemblée. Mais elle choisit de ne pas le faire.
La responsabilité de la Russie est, ensuite, mise en cause dans une enquête internationale relative à la chute d’un avion de ligne malaisien parti d’Amsterdam, tuant plus de 200 passagers (pour la plupart néerlandais), à une attaque à l’arme chimique tuant un citoyen britannique à Salisbury, et aux cyber-attaques répétées contre d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe.
Au sein du Conseil de l’Europe, cependant, la Russie joue la carte de la fermeté, partant du principe que les principaux acteurs de l’organisation - des Etats membres clés comme l’Allemagne et la France, représentés au comité des ministres, une majorité de membres de l’Assemblée parlementaire et le Secrétaire général – sont plus soucieux de maintenir la Russie au sein de l’organisation (et d’assurer qu’elle continue de verser sa part de contribution au budget commun) que la Russie elle-même.
Quel Conseil? Celui-de Léonid Sloutsky ?
Après 2015, la Russie s’abstient de présenter les lettres de créance de sa délégation, s’excluant ainsi de l’Assemblée parlementaire. Puis, elle pose des conditions pour son retour. En octobre 2016, le président de la commission des affaires internationales de la Douma russe, Léonid Sloutsky, formule les exigences de son pays tout en soulignant que la Russie ne reviendra que si certaines décisions sont « modifiées. »
Au cours de l’été 2017, la Russie a recours au chantage financier, refusant de verser sa contribution financière à l’organisation « jusqu’au rétablissement complet et inconditionnel (!) des pouvoirs de la délégation de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie dans l’enceinte de l’Assemblée parlementaire. »
Ilves et Kubilius: « Ne cédez pas au chantage »
Des Européens inquiets, dont Toomas Hendrik Ilves, l’ancien président de l’Estonie, et Andrius Kubilius qui a servi en tant que premier ministre de la Lituanie deux fois, en 1999-2000 et 2008-2012, envoient une lettre au Conseil de l’Europe. Ils avertissent l’Assemblée parlementaire :
« Nous appelons les élites dirigeantes de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à ne pas permettre la disparition de cette organisation. L’histoire jugera sévèrement ceux qui cèdent au chantage de sociétés non démocratiques où l’usage de la force est au-dessus de la primauté du droit. »
Dans de nombreux bulletins et présentations, ESI met en garde contre le chantage russe visant à faire modifier les règles sous la pression, et invite les Etats membres à ne pas y céder.
Octobre 2018 - Document de reference d’ESI : “Negotiating with a pointed gun”
John Dalhuisen d’ESI écrit en juin 2019 :
« Un drame curieux et indigne est mis en scène, cette semaine, au Conseil de l’Europe à Strasbourg. Des parlementaires représentant tout le continent ont accepté de modifier les règles du jeu au sein de cette organisation afin d’arrêter un bras de fer qui continuait depuis quatre ans avec la Russie, et, de contrer la menace de départ de Moscou.
Cette histoire est si singulière que l’on peut la décrire par analogie. Imaginez un match de football entre écoliers, au cours duquel un mauvais joueur notoire qui intimide les autres, commet des fautes en série et s’en va après avoir été sifflée une fois de trop. Le plus grand et le pire joueur sur le terrain, celui-ci se tient alors sur la ligne de touche et insiste sur le fait qu’il ne reviendra jouer que si les règles sont modifiées pour supprimer les pénalités dont il fait l’objet. La plupart des autres joueurs sont d’accord. Certains des plus petits joueurs, les plus malmenés, se plaignent de cette situation, mais on les ignore. On leur dit que ces changements sont bons pour le football et on les assure que le joueur sera moins enclin à commettre des fautes s’il n’est pas puni ! Le joueur revient et le jeu reprend. »
En août 2020, Alexey Navalny, le membre le plus éminent de l’opposition russe au cours de la dernière décennie, fait l’objet d’une tentative d’attentat au Novichok, un agent chimique développé par l’armée soviétique. En décembre 2020, Navalny met en ligne la vidéo d’un appel téléphonique qu’il a avec l’un des agents impliqués dans cette affaire. En effet, ce dernier tombe dans le piège tendu par l’opposant russe. L’agent explique au téléphone que Navalny n’a pu survivre que grâce à l’interruption imprévue de son vol et à un traitement rapide.
Aujourd’hui, Navalny demeure un prisonnier politique. Un autre ancien leader de l’opposition, l’ancien grand maître du jeu d’échecs, Garry Kasparov, est en exil à New York où il a publié un livre intitulé Winter Is Coming, dans lequel il émet un sombre avertissement à propos de la Russie de Poutine. Et faut-il encore noter que l’ancien vice-premier ministre, Boris Nemtsov, est assassiné près du Kremlin, en 2015.
Escalade - Memorial, Navalny et les élections russes
L’Etat russe a occupé une partie du territoire d’un membre du Conseil de l’Europe (la Géorgie) et annexé une partie d’un autre (l’Ukraine). Il ne tolère ni la contestation, ni l’opposition politique. Il enferme ses détracteurs. Il tue les ennemis perçus, tant dans le pays qu’à l’étranger.
Au cours des dernières années, le Conseil de l’Europe s’est plié en quatre pour accommoder la Russie, arguant que son adhésion donne aux citoyens russes un accès à la Cour européenne des droits de l’homme. En fait, la Convention européenne des droits de l’homme oblige les Etats membres du Conseil de l’Europe à se conformer « aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties. » Le bilan de la Russie en la matière est consternant : ce pays est, après l’Azerbaïdjan, le pays qui exécute le moins les arrêts de la Cour. Effectivement, Moscou n’exécute qu’un quart des arrêts les plus importants, et parmi eux ne figurent ni ceux qui touchent au droit à la liberté d’expression et au droit à la manifestation ni ceux qui ont affaire aux arrestations et aux assassinats politiques ! Il est donc évident que ces mêmes violations continuent de se produire.
L’accès à la Cour européenne des droits de l’homme n’a que peu de valeur si ses arrêts les plus importants sont systématiquement ignorés. En 2021, ESI attire l’attention sur le traitement réservé à Navalny qui démontre « le non-respect et le mépris de la Russie envers la Cour ». « Lorsque la Cour a ordonné la libération immédiate de Navalny à titre de mesure provisoire le 16 février 2021, le ministre russe de la justice répond que cette demande ne sera pas satisfaite car elle est ‘sans fondement et illégale’. »
Depuis, les choses ne cessent d’empirer. On peut citer un bon nombre de développements négatifs survenus au cours de l’année 2021 :
- une offensive légale contre l’organisation de défense des droits de l’homme « Memorial » pour la faire fermer,
- des élections parlementaires ouvertement frauduleuses en 2021,
- un autre procès politique contre l’opposant emprisonné Alexey Navalny,
- une répression toujours plus forte à l’encontre des quelques médias indépendants qui opèrent encore dans le pays,
- des cyber-attaques répétées contre des membres du Conseil de l’Europe, et,
- les conclusions d’un tribunal allemand selon lesquelles l’Etat russe est responsable d’un autre assassinat commandité à Berlin.
En janvier 2021, un membre éminent de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le social-démocrate allemand, Frank Schwabe, lance un avertissement :
« L’épreuve décisive est de savoir si la Fédération de Russie permettra ou non, que ses propres citoyens bénéficient de la protection de la Convention européenne des droits de l’homme... c’est cela, notre ligne rouge... Et si, finalement, vous estimez que la Russie ne coopère pas dans ce domaine, alors il ne vous reste que la possibilité de lui dire : ‘vous êtes soit dedans soit dehors.’ Il n’est donc pas possible que la Russie continue à siéger au Comité des Ministres sans coopérer. »
Puisque la Russie ne coopère manifestement pas, le Comité des Ministres doit réagir.
Ce sont les Etats membres qui décideront au sein du Comité des Ministres
Appel : Votez maintenant pour la suspension de la Russie
Le Conseil de l’Europe est une institution vitale. Il ne doit pas connaître le même sort que la Société des Nations. Il est temps que le Comité des Ministres définisse une ligne rouge.
Selon l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe, « tout membre du Conseil de l’Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but défini… »
Selon l’article 8, « tout membre du Conseil de l’Europe qui enfreint gravement les dispositions de l’article 3 peut être suspendu de son droit de représentation et invité par le Comité des Ministres à se retirer… »
Le Comité des Ministres doit mettre la Russie devant un choix simple : soit elle retire ses troupes du territoire ukrainien ainsi que du territoire des autres Etats membres quand celles-ci s’y trouvent sans l’accord du pays concerné, et, elle exécute les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, y compris les arrêts concernant Navalny ... soit elle risque la suspension. Une majorité des deux tiers est requise pour suspendre la Russie. Et ce vote doit avoir lieu tout de suite.
La déclaration de guerre de Poutine cette semaine n’est pas seulement militaire. Le dirigeant russe ne croit pas en un ordre international fondé sur la coopération de démocraties souveraines et respectueuses des droits. Or, ce sont les valeurs que défend le Conseil de l’Europe. Poutine est, donc, prêt à utiliser la force pour gagner une bataille idéologique plus importante.
L’heure du bilan est arrivée. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont trois options :
- Aucune réponse forte. C’est ce que les hommes politiques russes veulent et attendent du Conseil. C’est également ce qui s’est produit jusqu’à présent.
- Une réponse lente qui prend des années, en utilisant un nouveau mécanisme convenu en février 2020 concernant « les violations les plus graves des valeurs et principes fondamentaux » (pour en savoir plus cliquez ici).
- Une réponse forte et immédiate du Comité des Ministres, sur le fondement du Statut du Conseil de l’Europe, conduisant à la suspension de la Russie en cas de non-conformité persistante audit statut.
Les sanctions économiques ne suffisent pas - il faut aussi gagner la bataille d’idées et de valeurs. Le Comité des Ministres doit être clair : ce qui est en jeu ici, c’est une vision relative au fonctionnement des démocraties en Europe, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières. Il s’agit d’une vision qui respecte les engagements juridiquement contraignants dont la violation doit avoir des conséquences.
Sincèrement,
Gerald Knaus
The European Stability Initiative is being supported by Stiftung Mercator
Proposition d’ESI : The Council of Europe and Russia – Countries blatantly violating its rules should be suspended
Proposition d’ESI : Caviar Diplomacy – Why every European should care