Sortir de l’impasse - le génie d’Ahtisaari - une formule de paix

Albin Kurti en Berlin, Aleksandar Vucic en Paris - Avril 2024
6/2024
16 May 2024

Chers amis d’ESI,

Aujourd’hui, la politique des démocraties européennes à l’égard du Kosovo se trouve  à un tournant. 46 gouvernements européens sont appelés à se prononcer sur la demande d’adhésion de Pristina au Conseil de l’Europe.  L’enjeu est la survie de la stratégie de consolidation de la paix dans les Balkans développée par des diplomates européens appartenant à une génération antérieure, dont le feu Martti Ahtisaari. Cette stratégie reposait, d’une part, sur l’idée que le respect des droits de l’homme, évalué objectivement, accélérerait l’intégration du Kosovo dans les institutions européennes, rendant ainsi moins probable un conflit éventuel dans la région, et de l’autre, sur le fait que la Serbie n’aurait aucun droit de veto dans ce processus.

En avril 2024, à la suite de quatre rapports (un premier rédigé par d’éminents juristes et trois autres par trois commissions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe - APCE) et de quatre votes en faveur du Kosovo, l’APCE a émis un avis favorable à l’adhésion de ce dernier. L’ancienne ministre grecque des affaires étrangères, Dora Bakoyannis, a résumé les conclusions de l’APCE comme suit :

« Pour parvenir à un avis favorable, il a fallu 300 jours, des missions à Pristina, à Mitrovica Nord et à Bruxelles, une équipe de juristes spécialisés et des dizaines de réunions avec des gouvernements, des ambassadeurs, des maires serbes, des représentants de l’Église orthodoxe serbe, des ONG et des organisations internationales.

Il a également fallu que les autorités de Pristina restituent, et ce après 25 ans, la propriété du plus important monastère serbe de la région, qu’elles retirent un projet de loi prévoyant l’expropriation expresse de propriétés serbes et qu’elles signent une longue liste d’accords relatifs aux droits de l’homme qui, pour l’essentiel, placent la minorité serbe sous protection internationale.

Aucun autre candidat ne s’était vu demander d’entreprendre autant de réformes avant même que sa candidature à l’Organisation ne soit soumise à discussion. C’est probablement la raison pour laquelle 83 pour cent de l’Assemblée a voté en faveur du rapport. »

Article by Dora Bakoyannis, 1 May 2024
Article rédigé par Dora Bakoyannis, le 1er mai 2024

Le verdict de l’APCE ne pouvait être plus clair : Le Kosovo a rempli les conditions pour adhérer à l’Organisation. Pourtant, certains ont immédiatement affirmé que celui-ci n’en avait toujours pas fait assez et que la recommandation de l’APCE devait être ignorée. Dès mars 2024, l’envoyé spécial des États-Unis pour les Balkans Gabriel Escobar a déclaré que pour adhérer au Conseil de l’Europe, le Kosovo devait d’abord « établir l’Association des municipalités à majorité serbe. » Toutefois, cela n’est pas une condition d’adhésion requise par l’APCE.

Donika Gërvalla-Schwarz
Donika Gervalla-Schwarz

 

A substantial and tangible step – 15 May 2024

Le 22 mars 2024, dans la liste des engagements post-adhésion envoyée à l’APCE par les trois dirigeants du Kosovo, ceux-ci se sont engagés à « prendre des mesures importantes et concrètes afin de mettre en œuvre tous les articles de l’Accord de Bruxelles et de l’Accord d’Ohrid, ce qui inclut l’établissement de l’Association des municipalités à majorité serbe dès que possible. »

A breakthrough proposal – 15 May 2024 FES
Une proposition datée du 15 mai 2024 constituant une véritable percée pour le Kosovo.

Le 15 mai 2024, le gouvernement du Kosovo a adopté une mesure cruciale en ce sens. Dans une lettre adressée au président de l’APCE, Theodoros Rousopoulos, la vice-première ministre et ministre des affaires étrangères du Kosovo, Donika Gervalla-Schwarz, a écrit ce qui suit :

« Nous avons déjà entamé des discussions avec les représentants de la communauté serbe afin de déterminer ce qu’il faut pour établir une coopération et une association dans le domaine des services municipaux. À cet égard, le gouvernement du Kosovo prépare un projet de statuts relatif à l’association des municipalités à majorité serbe (dans le cadre des obligations prévues aux articles 7 et 10), inspiré de la proposition de la Fondation Friedrich Ebert, et qui sera soumis à l’examen de la cour constitutionnelle avant la fin du mois de mai 2024.

Compte tenu de ces mesures spécifiques et concrètes prises par le Kosovo, nous espérons que le Comité des Ministres ne manquera pas de raisons supplémentaires d’inviter le Kosovo à devenir le 47e État membre du Conseil de l’Europe. »

Il s’agit là d’une occasion unique de résoudre une question laissée en suspens depuis 2013, en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe. Ce pas devrait également ouvrir la voie à l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe, si ce n’est cette semaine, lors d’une réunion extraordinaire du Comité des Ministres qui se tiendra dans les semaines à venir.

 

La sagesse d’Ahtisaari

Cette lettre offre à la communauté internationale – et notamment à toutes les démocraties européennes – un moyen de remettre la politique du Kosovo sur les rails tout en gardant à l’esprit les idées de l’un des plus grands diplomates d’Europe, Martti Ahtisaari.

Martti Ahtisaari, enfant réfugié ayant fui sa Carélie natale à la suite de la guerre d’agression de Staline, a œuvré à la résolution de conflits, de la Namibie à l’Irlande du Nord, de l’Indonésie aux Balkans. En 1999, en tant que président de la Finlande, il a facilité le retrait des forces militaires serbes du Kosovo, mettant ainsi fin à la guerre. En novembre 2005, il était de retour dans les Balkans en tant qu’envoyé spécial du secrétaire général des Nations-Unies chargé du processus de détermination du statut du Kosovo. En février 2007, il a présenté un chef-d’œuvre de la diplomatie internationale : sa proposition globale de règlement portant statut du Kosovo,  ou, en bref, le plan Ahtisaari, constitue, aujourd’hui encore, la source d’inspiration de la constitution kosovare et de son système de protection des minorités.

Martti Ahtisaari

La vision d’Ahtisaari pour une paix stable dans les Balkans repose sur trois idées clés :

1.     Le réalisme sur la question du statut du Kosovo : reconnaître que la Serbie ne reconnaîtra pas le Kosovo de sitôt.

2.     La proposition d’un Grand Compromis [Grand Bargain] qui ne dépend pas de la reconnaissance du Kosovo par la Serbie, liant la protection des droits de l’homme et des minorités à l’intérieur du Kosovo à l’intégration de celui-ci dans la communauté des États démocratiques en tant que partenaire égal.

3.     La vision d’un véritable destin européen tant pour le Kosovo que pour la Serbie. L’intégration du Kosovo dans le système international et surtout européen « rendrait une autre guerre impensable » dans un avenir proche.

Un bon diplomate est toujours réaliste. Cela signifie qu’il doit accepter que, parfois, même le médiateur le plus accompli ne puisse pas aider deux parties à parvenir à un accord. En mars 2007, Martti Ahtisaari a remis son rapport en tant qu’envoyé spécial sur le statut futur du Kosovo, en concluant, à l’issue de longues et intenses négociations, ce qui suit:

«… il m’est devenu évident que les parties [la Serbie et le Kosovo] ne sont pas en mesure de s’entendre sur le statut futur du Kosovo [...] J’ai la ferme conviction que toutes les possibilités de parvenir à une issue négociée du commun accord des parties ont été épuisées. La poursuite des pourparlers, sous quelque forme que ce soit, ne saurait permettre de sortir de cette impasse. »

En 2007, le président serbe était Boris Tadic et le premier ministre serbe, Vojislav Kostunica. Aujourd’hui, le président serbe est Aleksandar Vucic et le (nouveau) premier ministre, Milos Vucevic. Mais en ce qui concerne l’opposition serbe à l’indépendance du Kosovo, rien n’a changé et rien ne changera dans un avenir prévisible.

Ahtisaari a accepté cette réalité. Il en a tiré la conclusion qui s’imposait. La paix devait être assurée sans reconnaissance serbe du Kosovo. La Serbie ne pouvait avoir un droit de veto sur les progrès du Kosovo. Sa proposition consistait en un Grand Compromis entre le Kosovo et d’autres démocraties : Le Kosovo déclarerait son indépendance sur la base d’un engagement à respecter les normes les plus élevées en matière de droits de l’homme et de protection des minorités ; en échange, son statut d’État serait reconnu par d’autres, à commencer par les démocraties occidentales. La formule de ce Grand Compromis était simple :

La protection des droits des minorités et des droits de l’homme sur le territoire du Kosovo pour assurer la paix intérieure.

La reconnaissance du statut d’État du Kosovo par d’autres États afin de consolider la paix régionale.

Les dirigeants kosovars ont adhéré à cette formule. Le 17 février 2008, 109 membres de l’Assemblée du Kosovo ont fait une déclaration :

« Nous, dirigeants démocratiquement élus de notre peuple, déclarons par la présente que le Kosovo est un Etat souverain et indépendant. Cette déclaration reflète la volonté du peuple et est en pleine conformité avec les recommandations de l’envoyé spécial de l’ONU Martti Ahtisaari et avec sa proposition globale de règlement portant statut du Kosovo … »

Le Kosovo ne pouvait forcer la Serbie à reconnaître son indépendance. Ses dirigeants ne pouvaient rien proposer à la Serbie pour la faire changer d’avis. Toutefois, ils pouvaient bien convaincre d’autres États de soutenir l’intégration du Kosovo dans le système international des démocraties en appliquant cette formule fondée sur les droits de l’homme que proposait Ahtisaari.
 
Aujourd’hui, il est essentiel que les démocraties européennes majeures ne tournent pas le dos aux idées propulsées par ce maître de la diplomatie. Croire, contre toute évidence, que la Serbie pourrait être persuadée de reconnaître bientôt le statut du Kosovo, si seulement ce dernier était encouragé à faire des concessions à la Serbie, est illusoire. De surcroît, subordonner l’intégration du Kosovo dans des institutions telles que le Conseil de l’Europe, à l’approbation de la Serbie – approbation qui sera certainement refusée – contrevient clairement au principe central du plan Ahtisaari.

Ahtisaari receives Nobel Peace Prize
Martti Ahtisaari ou un maitre de la diplomatie.

 

La formule Ahtisaari

Les recommandations d’Ahtisaari sur les droits des minorités ont été élaborées avec le concours des spécialistes les plus réputés et des institutions les plus importantes d’Europe. Elles ont été incorporées dans la constitution et la législation du Kosovo peu de temps après l’indépendance. Elles sont parmi les plus complètes au monde.

La vision d’Ahtisaari était également celle d’un système politique basé sur des municipalités puissantes disposant de droits exclusifs, y compris le droit de créer des partenariats et des associations, qui ne pouvaient être supprimés par le gouvernement central, et qui étaient inscrits dans la constitution et dans les lois sur la décentralisation ou les partenariats municipaux. Selon Ahtisaari, il s’agissait là d’une priorité

« ... aux besoins et aux préoccupations de la communauté serbe du Kosovo, qui pourra exercer un degré élevé de contrôle sur ses propres affaires. Parmi les principaux éléments de cette décentralisation, on retiendra : l’élargissement des compétences municipales des municipalités à majorité serbe du Kosovo [...] ; le renforcement de l’autonomie des municipalités en matière financière, qui pourront notamment recevoir, en toute transparence, des financements provenant de Serbie; plusieurs dispositions relatives à la création d’associations de municipalités et à la coopération à travers la frontière avec les institutions de Serbie; et la création de six municipalités à majorité serbe du Kosovo qui sont soit entièrement nouvelles, soit considérablement élargies. »

Voici une liste non exhaustive des droits que la communauté serbe et les municipalités à majorité serbe possèdent d’ores et déjà. Tous ces droits ne sont pas à atteindre dans le futur : ils sont garantis, aujourd’hui, par la constitution et les lois du Kosovo.

Les membres de la communauté serbe ont le droit de :

« recevoir une éducation publique dans l’une des langues officielles du Kosovo de leur choix, à tous les niveaux; créer et gérer leurs propres établissements privés d’enseignement et de formation, lesquels pourront bénéficier d’une aide financière publique. »

Toutes les municipalités du Kosovo sont investies de compétences plénières et inclusives sur les questions suivantes :

« a. Développement économique local ;
b. Aménagement urbain et rural ;
c. Occupation et valorisation des sols ;
d. Respect des règlements de construction et des normes du bâtiment ;
e. Protection de l’environnement ;
f. Prestation de services publics et entretien des installations correspondantes, y compris l’adduction d’eau, les drains et égouts, le traitement des eaux usées, la gestion des déchets, les réseaux routiers locaux, les transports locaux et les réseaux de chauffage locaux ;
g. Protection civile ;
h. Enseignement préscolaire, primaire et secondaire, y compris l’homologation et l’agrément des établissements d’enseignement et le recrutement, la rémunération et la formation des enseignants et administrateurs ;
i. Prestation de soins de santé primaires publics ;
j. Prestation de services de protection de la famille et autres services d’aide sociale, notamment les services d’aide aux personnes vulnérables, de placement familial, de garde d’enfants et d’aide aux personnes âgées, y compris l’homologation et l’habilitation des établissements dans ces domaines et le recrutement, la rémunération et la formation des travailleurs sociaux ;
k. Logements sociaux ;
l. Santé publique ;
m. Délivrance des permis d’exploitation aux services et établissements locaux, notamment dans les secteurs des spectacles, de la culture, des loisirs, de l’alimentation, du logement, des marchés, des vendeurs ambulants, des transports publics locaux et des taxis ;
n. Toponymie des routes, rues et autres espaces publics ;
o. Création et entretien des parcs et espaces publics ;
p. Tourisme ;
q. Culture et loisirs ;
r. Toutes questions qui ne sont pas expressément exclues de leur champ de compétence ou attribuées à une autre autorité. »

Les municipalités à majorité serbe du Kosovo voient leurs compétences renforcées dans plusieurs domaines :

« La municipalité de Mitrovica Nord a compétence pour l’enseignement supérieur, y compris l’homologation et l’agrément des établissements d’enseignement et le recrutement, la rémunération et la formation des enseignants et administrateurs.

L’université de Mitrovica Nord est un établissement d’enseignement supérieur autonome. La municipalité de Mitrovica Nord exerce sa compétence sur l’université publique de langue serbe. La municipalité de Mitrovica Nord peut coopérer avec toute autre municipalité pour assurer le bon fonctionnement de l’université.

Les municipalités de Mitrovica Nord, Gracanica et Strpce ont compétence pour les prestations de soins de santé secondaires, y compris l’homologation et l’agrément des établissements de soins ainsi que le recrutement, la rémunération et la formation du personnel médical et des administrateurs. »

Toutes les municipalités à majorité serbe du Kosovo ont également :

“Authority to exercise responsibility for cultural affairs, including protection and promotion of Serbian and other religious and cultural heritage within the municipal territory, as well as support for local religious communities;

Enhanced participatory rights in the appointment of Police Station Commanders;

Les écoles dont l’enseignement est dispensé en langue serbe ont le droit, sous réserve de notification au Ministère de l’éducation, de la science et de la technologie du Kosovo, d’appliquer des programmes et utiliser des ouvrages scolaires établis par le Ministère de l’éducation de la République de Serbie. »

Toutes les municipalités, y compris les dix municipalités à majorité serbe :

« pourront, dans l’exercice de leurs attributions, coopérer sur des questions d’intérêt commun avec d’autres municipalités situées au Kosovo ou au-delà de ses frontières. Les municipalités qui exercent des compétences municipales élargies peuvent coopérer avec toute autre municipalité en vue de fournir les services visés.
 
Conformément aux principes consacrés par la Charte européenne de l’autonomie locale, les municipalités ont le droit de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s’associer avec d’autres municipalités du Kosovo pour la réalisation de tâches d’intérêts communs.

Les municipalités peuvent confier à des associations de municipalités l’exercice de responsabilités relevant tant de leur compétence propre que de leur compétence élargie, mais non l’exercice de compétences municipales fondamentales telles que l’élection de leurs organes, la nomination de leurs responsables, l’établissement de leur budget et l’adoption des arrêtés et règlements directement applicables aux citoyens.

Les associations de municipalités peuvent prendre toutes mesures nécessaires à la mise en œuvre et à l’exercice de leur coopération fonctionnelle, notamment en se dotant d’un organe de décision composé de représentants désignés par les assemblées des municipalités associées; elles peuvent recruter et licencier du personnel et des consultants et prendre toutes décisions intéressant leur financement et leurs autres besoins opérationnels.

Conformément aux principes consacrés par la Charte européenne de l’autonomie locale, les municipalités ont le droit de créer et d’adhérer à une association des municipalités du Kosovo pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs, dans le cadre de la loi. Seules les municipalités du Kosovo sont autorisées à adhérer à ces associations. Ces associations peuvent coopérer avec les collectivités locales d’autres États. Ces associations sont habilitées à offrir à leurs membres un certain nombre de services, notamment sous forme de formations, de renforcement des capacités, d’aide technique, de recherche sur des questions de compétence municipale et de recommandations sur les politiques.

Les municipalités ont le droit de coopérer, dans leurs domaines de compétence, avec des municipalités et des institutions de la République de Serbie, y compris des administrations. Cette coopération peut consister en la fourniture par les institutions serbes concernées d’une aide financière et technique, notamment sous forme de personnel qualifié et d’équipement, pour faciliter aux municipalités l’exercice de leurs compétences.

Les municipalités ont le droit de recevoir une aide financière de la République de Serbie, L’aide financière accordée par la République de Serbie à des municipalités du Kosovo doit être transparente et être rendue publique. Les municipalités peuvent recevoir une aide financière de la République de Serbie en ouvrant dans des banques de dépôt des comptes qui doivent être certifiés par l’organe central de contrôle bancaire du Kosovo. Toutes les sommes reçues sont déclarées au Trésor central.

L’aide financière de la République de Serbie aux municipalités du Kosovo est indépendante de l’octroi des subventions et autres moyens mis à la disposition des municipalités […] et n’est assujettie à aucun impôt, aucune charge et aucune surcharge de quelque nature que ce soit par quelque organe central que ce soit.

Des virements individuels, notamment de pensions, à des citoyens du Kosovo peuvent être effectués à même des fonds provenant de la République de Serbie. »

Tel était donc le Grand Compromis proposé en 2007. Et, comme l’a constaté le Conseil de l’Europe dans son évaluation et son vote de cette année, le Kosovo a respecté sa part du marché. Même si tous ces droits n’ont pas été exercés – par exemple, les municipalités à majorité serbe n’ont pas encore choisi de créer une association ou des partenariats municipaux qu’elles ont le droit de créer – la plupart des dispositions, de l’enseignement en langue serbe aux soins de santé tertiaires financés en partie par la Serbie, en passant par les compétences municipales élargies, sont appliquées.

Ce qui est frappant aujourd’hui, c’est que certains semblent avoir oublié que tous ces droits et compétences sont déjà établis, et ce depuis 2007 ! C’est également sur ce fondement que tant de démocraties ont reconnu un Kosovo indépendant en 2008, lui promettant l’intégration dans le système européen des États en échange de la construction d’un État kosovar respectant les principes énoncés dans le Grand Compromis.

 

Une stratégie de paix

La Serbie n’a jamais été séduite par le niveau élevé de protection des Serbes du Kosovo prévu dans la formule Ahtisaari. Aucun arrangement constitutionnel, aussi inventif soit-il, ne l’a persuadée de reconnaître l’indépendance du Kosovo.

Mais qu’attendait-on concrètement de la Serbie dans le cadre de cette formule ? Il faut ici rappeler la troisième idée clé d’Ahtisaari. Cette idée est la suivante : pour que la paix soit maintenue, il faut  simplement que la Serbie abandonne l’espoir qu’elle puisse un jour reprendre le contrôle du Kosovo par la force. Pour ce faire, il  est donc nécessaire de déployer des forces internationales de maintien de la paix au Kosovo, mais surtout d’intégrer le Kosovo dans le système international sur un pied d’égalité.

La position de la Serbie à l’égard du Kosovo pourrait bien, dans un avenir prévisible, ressembler à celle des gouvernements irlandais au cours des décennies où la constitution irlandaise  de 1937 revendiquait un territoire du voisin de l’Irlande, l’Irlande du Nord, appartenant au Royaume-Uni :

Article 2

Le territoire national comprend toute l’île d’Irlande, les îles et les eaux territoriales qui s’y rattachent.

Article 3

En attendant la réunification du territoire national et sans préjudice du droit du Parlement et du gouvernement institués par la présente Constitution d’exercer leur juridiction sur l’ensemble du territoire, les lois votées par le Parlement ont les mêmes domaine et étendue d’application que les lois de l’État libre d’Irlande [Saorstát Éireann] et ont les mêmes effets extraterritoriaux.

La constitution irlandaise de 1937 établissait une distinction entre le « territoire national » et le « champ d’application » des lois irlandaises. Elle affirmait le droit du parlement et du gouvernement irlandais à « exercer leur juridiction sur l’ensemble du territoire », à leur discrétion. Il s’agissait là d’une revendication territoriale visant l’Irlande du Nord, qui est restée en place pendant plus de 60 ans.

The Anglo-Irish Agreement of 1985 – six decades after independence
L’accord anglo-irlandais de 1985 - six décennies après l’indépendance.

Cependant, avec l’adhésion de l’Irlande et du Royaume-Uni au Conseil de l’Europe et, en 1973, à la Communauté économique européenne, les deux pays sont devenus membres des mêmes organisations internationales. Au fil du temps, les relations entre Dublin et Londres se sont améliorées étant donné qu’ils se sont retrouvés sur un pied d’égalité au sein de ces institutions. Les deux sociétés ont laissé derrière elles des souvenirs amers, notamment ceux de la guerre d’indépendance irlandaise. Le processus d’intégration à l’UE et, enfin, l’accord du Vendredi saint en Irlande du Nord en 1998 ont contribué à rendre invisible la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. En 1999, la revendication territoriale inscrite dans la constitution irlandaise a été révoquée à la suite d’un référendum.

Putting it Simply: What is the Good Friday Agreement? – Social Sciences BirminghamThe Belfast Agreement of 1998 – another decade later
L’accord de Belfast de 1998 - une décennie plus tard.

« Construire la confiance au fil du temps » par la coopération et l’intégration est une formule familière à Ahtisaari. En juillet 1999, ce dernier a présidé le sommet de Sarajevo où, immédiatement après la fin de la guerre du Kosovo, la déclaration de Sarajevo a proposé à tous les États intéressés des Balkans occidentaux une formule de paix européenne :

« Depuis Sarajevo, nous affirmons ... notre responsabilité commune en vue de construire une Europe enfin non divisée, démocratique et en paix. Nous travaillerons ensemble pour promouvoir l’intégration de l’Europe du Sud-Est au sein de ce continent où les frontières, tout en demeurant inviolables, ne dénotent plus de division mais offrent des possibilités de contact et de coopération. »

1999 victims in Kosovo
1999 – Les victimes de la guerre du Kosovo

L’objectif poursuivi en 1999 à Sarajevo était de rendre la guerre « impensable » en transformant la nature des frontières et des sociétés par l’intégration et la coopération. Les frontières devaient devenir à la fois inviolables et invisibles.

CNN on the Sarajevo summit, July 1999

CNN sur le sommet de Sarajevo, juillet 1999.

En décembre 1999, ce même objectif a été poursuivi lors du sommet européen historique d’Helsinki, toujours présidé par Ahtisaari, ouvrant la voie à l’élargissement « big bang » de 2004 qui allait transformer le continent. Les Balkans occidentaux sont alors devenus un îlot enclavé dans l’UE.

Council of Europe in Strasbourg

 

L’importance de l’adhésion au Conseil de l’Europe

En réponse à la lettre du 15 mai 2024 du gouvernement du Kosovo adressée au Conseil de l’Europe portant sur la question de l’Association des municipalités à majorité serbe [AMS], le président serbe Aleksandar Vucic a déclaré ce qui suit :

Aleksandar Vucic

« Il s’agit d’une nouvelle fraude et d’un effort frivole d’Albin Kurti et de ses assistants, y compris Gerald Knaus et de tous leurs autres lobbyistes. Ils agissent tous ensemble. Ils disent eux-mêmes qu’ils présenteront leur texte avant la fin du mois de mai. Qui êtes-vous pour soumettre un tel texte ? L’accord de Bruxelles est très clair : cela doit être fait avec l’accord de la Serbie, ou si nous sommes d’accord, comme nous l’avons convenu contextuellement, conceptuellement et en principe, il doit s’agir d’un texte soumis par l’UE – qu’est-ce que ces personnes ont à voir avec cela et qu’est-ce qu’elles ont à contribuer à la réalisation de quoi que ce soit. Bien sûr, il s’agit d’une ruse car les Anglais font maintenant pression sur tous les autres pour qu’ils acceptent l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe... »

En d’autres termes, selon le président serbe, à moins qu’il n’y ait au préalable l’accord de la Serbie, le Kosovo ne doit pas soumettre de projet de statuts relatif à l’AMS à la cour constitutionnelle, et ce, même si Pristina répond à toutes les normes du Conseil de l’Europe (et à toutes les demandes jamais formulées par la communauté internationale à cet égard – voir l’annexe ci-dessous), avant son adhésion. C’est un piège pour le Kosovo, mais aussi pour la communauté internationale.

Les dirigeants serbes affirment, en effet, que le Kosovo ne doit jamais adhérer au Conseil de l’Europe. Ce mois-ci, le nouveau premier ministre Milos Vucevic a averti que la Serbie s’opposerait toujours, quelles que soient les circonstances, à cette adhésion :

« Le soi-disant Kosovo n’est pas et ne sera jamais un État et, par conséquent, selon les règles du Conseil de l’Europe, il ne peut devenir membre de cette organisation. »

Vucevic a annoncé que « le plus grand défi de la période à venir pour le nouveau gouvernement [serbe] sera de défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays [la Serbie, y compris le Kosovo]. » La question de l’AMS devient ainsi un outil commode pour arrêter le Kosovo. Et pour renverser la formule Ahtisaari.

Ce qui est actuellement en jeu dans le débat sur l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe, c’est la survie de cette formule, selon laquelle, à mesure que le Kosovo remplit ses obligations en matière de droits de l’homme et de droits des minorités, inscrites dans sa constitution et ses lois, tous les pays qui l’ont reconnu le soutiendront sur la voie de l’adhésion aux institutions européennes. Et si la Serbie ne peut être forcée à reconnaître le Kosovo, elle ne peut pas non plus opposer son veto à l’intégration de celui-ci dans lesdites institutions.

Les démocraties européennes doivent montrer clairement que cette vision est toujours d’actualité. Le moment est venu de le prouver, et l’occasion s’y prête avec la demande d’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe. Le gouvernement du Kosovo a présenté une proposition constructive pour régler la question de l’AMS en suspens depuis long, conformément aux normes du Conseil de l’Europe, les démocraties européennes doivent respecter leur part du marché.

D’autre part, insister pour que le Kosovo remplisse des conditions qui donneraient à la Serbie un droit de veto et qui ne sont pas requises par le Conseil de l’Europe, signifierait que les dirigeants européens renient la formule Ahtisaari. Ces derniers bloqueraient ainsi le Kosovo de manière arbitraire, sans aucune raison valable, et enverraient à la Serbie le signal que les choses réglées en 2008 peuvent à présent être renégociées.  Ce serait là une invitation pour de nouvelles menaces, avec le risque de voir la violence s’intensifier comme à l’automne 2023, et de voir disparaître la stabilité instaurée par Ahtisaari.

La meilleure façon d’éviter cela est d’admettre le Kosovo, dès que possible, comme 47e membre du Conseil de l’Europe. Demain, les ministres des affaires étrangères réunis à Strasbourg devraient fixer une date pour une réunion extraordinaire sous peu afin de pouvoir voter sur cette candidature une fois qu’il y aura des progrès sur la question de l’AMS. Cela permettrait d’envoyer un message clair à la Serbie : le statut d’État du Kosovo est là pour de bon et Pristina bénéficie du soutien absolu des démocraties européennes.

Martti Ahtisaari aurait certainement été très heureux de voir le Kosovo rejoindre le Conseil de l’Europe cette année.

Sincèrement,


Gerald Knaus

 

Pour en savoir plus sur le processus d’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe :

Mai 2022: Bulletin d’ESI : De nouveau 47 ? La Russie dehors, le Kosovo membre

Mars 2024: Bulletin et raport d’ESI : A monastery, Kosovo courts and the road to the Council of Europe (en anglais)

Avril 2024 : Un vote historique, une percée pour le Kosovo et une licorne

 

ANNEXE A –La saga de l’AMS

Dans toutes les démocraties européennes, y compris dans les Balkans, les associations de municipalités sont créées par les municipalités elles-mêmes. Dans tout pays où les minorités sont fortement protégées et où les municipalités (y compris celles gérées par une minorité) jouissent de nombreux droits exclusifs, l’idée qu’un gouvernement central puisse imposer par décret des statuts d’association aux municipalités gérées par une minorité, statuts pour lesquels ces dernières n’ont pas voté, constituerait une grave violation des normes du Conseil de l’Europe. Le gouvernement du Kosovo ne peut pas « établir » unilatéralement une telle association sans violer sa constitution, contre la volonté des maires serbes élus au Kosovo.

Les gouvernements successifs au Kosovo se sont, toutefois, engagés à soutenir le processus de création d’une AMS. Ils l’ont déclaré en 2013, et dans une lettre adressée à l’APCE en mars 2024 :

En avril 2013, dans le premier accord conclu à Bruxelles entre le Kosovo et la Serbie et ratifié par l’Assemblée du Kosovo au mois de juin de la même année, les deux (!) parties se sont engagées à atteindre un objectif : « Il y aura une association/communauté de municipalités à majorité serbe au Kosovo. » Et : « Les structures de cette association/communauté seront établies sur la même base que les statuts actuels de l’Association des municipalités du Kosovo... »

En août 2015, la haute représentante de l’UE, Federica Mogherini, a écrit une lettre pour expliquer comment l’Union européenne comprenait l’AMS mentionnée dans le premier accord de 2013 : « une association sans pouvoirs exécutifs. »

En décembre 2015, la cour constitutionnelle du Kosovo a rendu un jugement sur l’AMS, se référant à l’article 12 de la constitution du Kosovo, qui définit les municipalités comme des « unités territoriales de base de l’autonomie locale dans la République du Kosovo » : « En outre, la cour constate que … l’acte juridique et les statuts de l’association/la communauté ne remplacent ni ne compromettent le statut des municipalités participantes en tant qu’unités de base de l’autonomie locale démocratique au sens de l’article 12 et du chapitre X de la constitution. »

En janvier 2023, le conseiller du département d’État américain Derek Chollet et l’envoyé spécial des États-Unis pour les Balkans occidentaux Gabriel Escobar ont écrit sur l’ASM : « Ce que la Communauté ne serait pas : Elle ne constituerait pas un niveau supplémentaire de pouvoir exécutif et législatif pour le gouvernement du Kosovo. Ce principe important remonte à la proposition d’Ahtisaari. Les municipalités pourraient coopérer en vue d’une gestion conjointe de leurs domaines de compétence dans le cadre des institutions et des structures légitimes du Kosovo. Et il serait donc permis à certaines municipalités d’exercer plus efficacement les pouvoirs qu’elles détiennent déjà ... »

En février/mars 2023, dans ce que l’on nomme l’accord de Bruxelles/Ohrid (en anglais), les mots association ou communauté des municipalités à majorité serbe n’apparaissaient pas. Là encore, les deux (!) parties s’engageaient à « assurer un niveau approprié d’autogestion pour la communauté serbe du Kosovo et de capacité de fourniture de services dans des domaines spécifiques, y compris avec le soutien financier éventuel de la part de la Serbie. »

Qu’est-ce qui en découle ? Toute AMS doit respecter la constitution kosovare, protéger les droits des municipalités. Ces entités ne doivent ni constituer un nouvel échelon dans l’administration du Kosovo ni s’approprier les compétences des municipalités qui les forment. L’établissement d’une AMS qui remplit ces conditions est donc parfaitement légitime.

 

ANNEXE B - Qu’est-ce qui ne va pas avec la proposition d’AMS de Lajcak ?

En octobre 2023, le groupe Quint [États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie] a proposé un nouveau modèle de statuts d’AMS. Ce document n’a pas d’auteur officiel. En mai 2024, la réaction de la Serbie a été de dire que ce document n’était pas acceptable en l’état, et qu’il constituait au mieux une « bonne base pour la poursuite des discussions. » Jusqu’à présent, aucun élu serbe du Kosovo ne s’est prononcé en faveur de ces statuts. Il est difficile de comprendre à quoi sert de faire pression sur le gouvernement du Kosovo pour qu’il adopte et transmette à sa cour constitutionnelle un modèle de statuts que personne, y compris les élus des municipalités concernées, n’approuve.

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En outre, le modèle proposé pose deux problèmes. Premièrement, il stipule que tout différend entre l’AMS et les autorités centrales du Kosovo concernant l’application et l’interprétation des statuts peut être soumis par l’une ou l’autre partie à une commission d’arbitrage permanent, dont le président sera nommé par l’UE en cas de désaccord. Même dans la phase d’indépendance sous supervision après 2008, les mécanismes internationaux ont été conçus de manière à être progressivement supprimés. Celui-ci serait permanent :

« La commission d’arbitrage est composée d’un arbitre nommé par chacune des parties au différend et d’un autre arbitre qui sera désigné d’un commun accord entre les parties au différend comme président de la commission.

Si, dans un délai de trois mois, l’une des parties au différend ne nomme pas d’arbitre ou si les parties au différend ne parviennent pas à s’entendre sur la désignation d’un président, cet arbitre ou ce président sera désigné par l’Union européenne, à la demande de l’une des parties au différend. »

Dans le même temps, en cas de litige, les municipalités du Kosovo, dotées d’un véritable pouvoir exécutif et reconnues comme telles par la constitution, devraient s’en remettre au système judiciaire kosovar, comme tout le monde. Il en irait de même pour toute autre association.

Deuxièmement, les dispositions proposées en matière d’éducation et de soins de santé sont inapplicables. La proposition stipule qu’un « réseau éducatif serbe du Kosovo » et un « réseau de soins de santé serbe du Kosovo » seront établis en tant que prestataires privés d’éducation et de soins de santé, gérés par l’AMS. Elle précise que « sur le territoire des membres de l’Association, ces prestataires peuvent utiliser les bâtiments publics construits et cofinancés par la Serbie pour la fourniture de services de santé et d’éducation » et que « le fonctionnement de ces réseaux ne doit en aucun cas limiter ou entraver le fonctionnement du système actuel d’écoles publiques et de soins de santé publics au Kosovo. » La Serbie financera lesdits réseaux et le « siège de ces fournisseurs [sera] bien situé en Serbie ». Néanmoins, ces réseaux disposeront d’une licence au Kosovo, conformément à la législation en vigueur.

La constitution du Kosovo garantit à la communauté serbe « une éducation publique dans l’une des langues officielles du Kosovo de leur choix, à tous les niveaux» (article 59 de la constitution de la République du Kosovo). Un réseau entièrement privé ne respecterait pas ce droit. Actuellement, les écoles et les bâtiments de santé des municipalités à majorité serbes sont financés à la fois par le budget serbe et par le budget kosovar. Comment l’AMS de Lajcak pourrait-elle utiliser les bâtiments de santé existants sans entraver le fonctionnement du système public kosovar ?

 

ANNEXE C – Que retenir de la proposition FES-IEP ?

En janvier 2023, la fondation allemande Friedrich Ebert (FES) et l’Institut européen de la paix (IEP) ont publié un modèle de statuts d’AMS. L’article 4 constitue le point central de la proposition :

« Dans la réalisation de ses objectifs, l’Association/la Communauté ne compromettra ni ne contournera l’autorité et les compétences des municipalités participantes prévues par la constitution et la loi ; en aucune manière elle ne transformera ni ne remettra en cause les rapports définis par la constitution et la loi entre les autorités centrales et les autorités locales de la République du Kosovo ». (article 4)

Les points clés de cette proposition sont les suivants

  • l’adhésion à l’Association est volontaire. « Les activités de l’Association/la Communauté sont basées sur les principes de la participation volontaire de ses membres... »
  • l’Association/la Communauté « aura un contrôle total » dans plusieurs domaines, notamment : « le développement de l’économie locale », « l’aménagement rural et urbain », « l’éducation » et « l’amélioration des soins de santé primaires et secondaires et de la prise en charge sociale. » Les compétences énumérées dans la proposition montrent clairement qu’il ne s’agit nullement d’exercer des fonctions exécutives. Ces compétences sont les suivantes :

« Faciliter la coopération »
« Représenter les intérêts politiques »
« Conduire des recherches »
« Assurer un soutien juridique, scientifique, financier et de secrétariat à ses membres »
« Fournir des recommandations aux autorités centrales »
« Financer des bourses d’études, des formations d’enseignants, des subventions de recherche, des solutions informatiques, des échanges universitaires, des programmes d’été, etc. »
« Financer des projets de construction et d’infrastructure liés à la prestation des services en matière d’éducation »
« Financer et faciliter le renforcement des capacités et la formation professionnelle du personnel médical et de protection sociale »
« Financer des projets de construction et d’infrastructure liés à la fourniture de soins de santé et d’aide sociale »
« Financer les installations, les équipements et les dépenses matérielles liés à des besoins spécifiques en matière de santé ou d’aide sociale dans les municipalités participantes » (tout l’article 3)

Il est également précisé que « dans la conduite de l’ensemble des activités dans le domaine de l’éducation, l’Association/la Communauté doit respecter pleinement la constitution et le système juridique de la République du Kosovo. » Des articles similaires sont prévus pour les soins de santé et d’autres domaines.

Les organes de l’Association seraient une assemblée, un président et un vice-président, un conseil (consultatif) dont les 30 membres devraient refléter la composition ethnique des municipalités membres, un conseil d’administration composé de sept membres, reflétant la composition ethnique des municipalités membres, et un bureau chargé des recours et des plaintes. Rien de tout cela n’est en contradiction avec la constitution du Kosovo ou la législation applicable.

L’Association disposera de son propre budget. Ses « dépenses seront soumises à des audits par les autorités compétentes, y compris par l’auditeur général du Kosovo. » Les fonds peuvent comprendre « des contributions, des subventions, des dons, ainsi que le soutien financier d’autres associations et organisations, nationales et internationales, y compris la République de Serbie. »

Les institutions du gouvernement central auront une fonction de contrôle : « Le gouvernement et l’auditeur général du Kosovo reçoivent chaque projet de budget annuel intégré de l’Association/la Communauté avant son approbation. Le gouvernement et l’auditeur général examinent le projet de budget pour s’assurer qu’il est conforme aux objectifs de l’Association/la Communauté et au fonctionnement de ses organes tels que définis par les présents statuts. » Dans un délai d’un an à compter de l’adoption des statuts, le gouvernement procède à un examen de leur mise en œuvre. En cas de désaccord entre le gouvernement et l’Association, le gouvernement soumettra la question à la cour constitutionnelle.

Les statuts de l’AMS doivent être convenus et adoptés par l’assemblée constitutive de l’Association/la Communauté conformément à la loi sur la ratification du premier accord international et à la constitution de la République du Kosovo. Ils doivent ensuite être  promulgués au moyen d’un acte du gouvernement. En vertu du système juridique du Kosovo, cet acte sera examiné par la cour constitutionnelle. À la fin de cette procédure, il aura la force d’un règlement du gouvernement.